APPEL A CONTRIBUTIONS
Appel à contributions :
La revue populisme – 2023 n°3
“Populisme démocratique instituant : une nouvelle étape du lien entre populisme et démocratie”
Si le populisme n’a pas encore été entièrement étudié (Rosanvallon, 2020), il est également certain qu’il est toujours en cours de développement, surtout par rapport à la démocratie, et notamment aux formes démocratiques qui nécessitent une reconnaissance institutionnelle de l’horizontalité de son développement.
Ces nouvelles formes de populisme ne se contentent plus de concentrer leurs actions sur la société civile politisée, mais elles veulent également participer aux processus de consolidation de leurs acquis. Tout ceci s’articule démocratiquement à travers l’institutionnalisation de ces objectifs et la vérification de leur réalisation par les membres de la société civile elle-même. Cela représente, d’un point de vue théorique, une plus grande articulation entre les deux formes et nécessite donc un examen critique tant du populisme dans toutes ses formes démocratiques que de la démocratie elle-même.
A cet égard, certains faits devenus ou en train de se constituer dans plusieurs endroits du monde le font penser. Les expériences actuelles dans des différents pays de l’Amérique latine et de l’Europe sont sources précieuses des formes renouvelées du populisme démocratique (Tarragoni, 2019), encore non finies et moins expliquées. Il semble donc d’un intérêt crucial d’étudier certaines de ces formes de rencontre entre la demande de démocratie et les institutions de la démocratie représentative.
En effet, aujourd’hui, les nouvelles impulsions des formes populistes, assumées démocratiquement avec des aspects proches de la démocratie participative développée, constituent une perspective renouvelée par rapport à ce qui était jusqu’à présent considéré comme habituel dans les conceptions du populisme démocratique, comme dans les expériences de démocratie participative plus récentes. Les deux formes de participation politique se développent dans le sens d’un populisme démocratique instituant, différent des formes connues jusqu’à présent. Ces transformations continues des expériences populistes nécessitent une mise à jour régulière de leurs études.
Certes, outre les études sur l’émergence des mouvements populistes (Bras, Gérard, 2018), il y a eu toute une formalisation du populisme par rapport à la démocratie, précisément parce que la démocratie elle-même comme cadre insurmontable (Gauchet, 2002) présente des formes d’épuisement. La démocratie a cherché elle-même des voies pour son développement, comme la démocratie participative (Sintomer, 2011), la contre-démocratie (Rosanvallon, 2006) ou encore la démocratie contre l’État (Abensour, 1994), etc. Toutes dans le sens indiqué par Etienne Balibar de « démocratisation de la démocratie » (Balibar, 2010).
Il semble donc qu’il existe un point de rencontre peu exploré entre la théorie politique et certaines de ces expériences mentionnées auparavant, pour les concevoir comme des formes de « populisme démocratique instituant ».
Il ne s’agit donc pas de revenir à des modèles théoriques plus ou moins languissants que l’on tente de raviver en profitant des différents mouvements de contestation plus ou moins réussis, mais plutôt de montrer cette rencontre entre populisme et démocratie comme une exigence ou, mieux encore, comme une nécessité pour l’humanité. Comme s’il s’agissait d’une actualisation de l’idée de Feuerbach qui, au XIXe siècle, en pleine crise d’une certaine façon de faire de la philosophie, avait soutenu que la philosophie était une nécessité de l’humanité.
Il faut maintenant dire, à la manière du philosophe allemand, qu’agir ensemble en tant que citoyens devient une nécessité de l’humanité. Pour le démontrer et prouver que la relation entre populisme et démocratie (Urbinati, 1998) n’est pas épuisée et n’a pas disparu, il existe des exemples précieux dans différentes parties du monde : certains ont été fulgurants, d’autres gagnants, mais tous sont devenus des références pour le développement de ce projet. Des mobilisations des Gilets jaunes à celles de Hong Kong, du Pérou, de Barcelone, de Madrid, de Bogota et de Santiago du Chili, elles participeront à ce que ce projet veut décrire : la vigueur de la politisation de la société civile (Abensour, 1994, Portnov, Andriy, 2015), qui trouve son origine dans l’indignation des citoyens face à l’insuffisance de la démocratie parlementaire.
Sans aucun doute, il existe des différences notables entre les exemples présentés et, en fait, beaucoup d’entre eux ont déjà été étudiés (Cervera-Marzal, 2021). Mais au-delà des manières les plus courantes de concevoir le populisme (Mudde, Cas et Kaltwasser, Cristóbal Rovira, 2013) : soit comme exclusivement associé à la droite radicale, soit au contraire comme plus inclusif, associé à la gauche radicale qui veut approfondir la démocratie en poussant les élites politiques à prendre davantage en compte les demandes populaires (Cervera-Marzal, 2021) en construisant le peuple comme sujet politique (Laclau, 2002, Akkerman, Mudde et Zaslove, 2014).
Pour cela il faut visualiser la singularité du projet esquissé ici et essayer de classer la relation entre populisme et démocratie d’une autre manière :
– Le populisme charismatique non-démocratique ;
– Le populisme démocratique illibéral ;
– Le populisme démocratique charismatique, qui a triomphé dans des élections libres (comme cela s’est produit dans certains pays de l’Amérique latine) ; et un autre qui ne le fait pas totalement tel « Podemos », et la « La France insoumise » (Cohen, 2013. Monod, 2012) ;
– Le populisme démocratique, lié à des revendications sociales et politiques, mais sans affecter les structures politiques existantes, comme les associations de solidarité issues des grandes inégalités nées des contextes néolibéraux dans la plupart des pays du monde (Bayat, 2017, Braga, 2017, Carothers, Youngs, 2015) ;
– Et, comme une nouveauté au cœur de cet appel à contribution (Riba, 2019), le populisme démocratique instituant issu des luttes revendicatives sorties de l’indignation majoritaire, comme c’est le cas au Chili ou en Colombie ; ou celui qui se développe en Catalogne par la désobéissance civile. Les deux formes ont pour objectif la volonté de vivre démocratiquement leurs revendications, ainsi que la participation directe aux processus institutionnels.
Ces nouvelles formes de populisme ne concentrent pas seulement leurs actions sur la société civile politisée, comme on l’a signalé avant, mais elles souhaitent également participer aux processus de consolidation de ses acquis. Tout cela s’articule démocratiquement par l’institutionnalisation de ces objectifs et la vérification de leur réalisation par les membres de la société civile. Cela représente, d’un point de vue théorique, une plus grande articulation entre ces deux éléments, jamais produite auparavant dans les sociétés modernes (Clastres, 1974).
Pour que ces nouvelles formes émergentes de populisme démocratique instituant se développent avec succès, un objectif clair partagé par la majorité de la population doit être perçu dès le départ. Deux exemples de cette forme de surgissement du « populisme démocratique instituant » seront foncièrement utilisés dans ce projet en raison d’avoir déjà certains résultats, d’un côté, l’exercice du droit à décider moyennant des référendums, et la rédaction d’une nouvelle constitution moyennant la création des nouvelles institutions.
Il s’agit d’objectifs qui émanent de la population elle-même et qu’elle s’organise pour réaliser démocratiquement, en conciliant et en respectant les minorités et les nouvelles subjectivités émergentes. Proposer une nouvelle façon de concevoir l’articulation entre les institutions et les membres de la société, en favorisant la participation active des citoyens à toutes les étapes. Tout cela avec les apports théoriques du féminisme, le travail des organisations de solidarité qui ont émergé pendant la pandémie et d’autres qui existent déjà. Sans lésiner sur les revendications démocratiques exprimées sous diverses formes de pression populaire, que ce soit sous des formes démocratiques ou sous des formes de pression sociale, exercées dans la rue et avec une grande participation citoyenne.
Il est vrai que le populisme démocratique et les formes démocratiques renouvelées ouvrent la voie à d’autres logiques de représentation, plus horizontales et participatives, face à la faible efficacité des institutions par rapport aux objectifs pour lesquels elles ont été créées. C’est le cas du dysfonctionnement de la forme étatique, qui a été déformée par la présence imposante de l’économie capitaliste. Et la remise en cause de la tradition schumpétérienne selon laquelle les gouvernés élisent les gouvernants pour exercer leur volonté à leur place. Face à la verticalité du pouvoir, le populisme démocratique et les formes renouvelées de démocratie veulent ralentir et réduire cette verticalité par une horizontalité de plus en plus organisée, d’abord, comme expression, comme protestation, comme contestation qui se manifeste comme un contre-pouvoir, capable d’évaluer et de critiquer les décisions du pouvoir. Mais ce n’est qu’avec des actions de désobéissance (Cervera-Marzal, 2016) ; ou simplement en s’éloignant de la servitude volontaire exigée des citoyens, tant par les démocraties parlementaires que par les formes démocratiques du populisme élitiste, que cette nouvelle forme de populisme démocratique instituant commencera à émerger. Les citoyens ont le droit d’exiger que ces contre-discours horizontaux, émanant de la rue, en urgence, contre une verticalité autoritaire du pouvoir, devienne une horizontalité en construction. Ce serait, bien sûr, sous des formes et des résultats différents.
Il y a donc, sans doute, en raison de ce dynamisme dont témoigne le lien entre populisme et démocratie, une opportunité de porter une attention particulière au développement de ce binôme pour ce qu’il représente et apporte en termes d’innovation démocratique. Et pour mieux comprendre l’émergence de l’expérience politique et sociale, il faudra compter avec des témoins qui ont été sur les scènes des conflits, dans les espaces de « non-résignation »
Quelques idées à développer dans les articles :
– Les liens entre populisme et démocratie en France et à l’international, sous l’angle de la demande démocratique ;
– La transversalité de l’axe populisme-démocratie avec d’autres référents idéologiques en rapport aux expériences en cours de développement ;
– Montrer ces lieux invisibles (ou peu visibles) pour le monde académique mais privilégiés pour voir le développement de ces nouvelles formes qui font l’objet de ce projet. Visualisez ces lieux comme des espaces de non-résignation face à des formes de légalité obsolètes ;
– Profiter de la connaissance directe et de la participation active à ces processus de certains membres de l’équipe responsable de l’appel pour montrer comment les expériences qui se développent actuellement peuvent devenir un matériau pour la réactivation de la démocratie en Europe et surmonter la dérive autoritaire dérivant d’autres formes de populisme ;
-Explorer les éléments qui ont favorisé son déploiement : la demande de nouveaux droits liés à de nouvelles subjectivations émergentes ;
– Suivre le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution au Chili qui modifie le système représentatif actuel, occupé par les élites, à travers un processus constituant issu des demandes des citoyens et élaboré par ces derniers ;
– Étudier les changements proposés au système représentatif à travers l’établissement de processus ouvrant des procédures de médiation qui permettront à l’avenir d’éviter la confrontation dure et violente entre les citoyens qui demandent des changements et ceux qui contrôlent les institutions.
Contributions
L’appel est largement ouvert, notamment aux profils pluridisciplinaires capables de mobiliser les différentes perspectives et approches disciplinaires du populisme et des conceptions renouvelées de la démocratie.
L’appel vise également ceux qui possèdent une connaissance directe des expériences de terrain; et ceux qui participent activement à son développement.
Les auteurs qui souhaitent participer à l’appel sont invités à envoyer une proposition de contribution (environ 6000 signes) au responsable de la coordination du numéro Monsieur le Professeur Jordi Riba (jriba122@gmail.com) avant le 1er décembre 2022, en précisant leur affiliation universitaire. Les porteurs de propositions de contributions qui auront été retenues par le comité de rédaction seront invité(e)s à soumettre un article complet (entre 40 et 50 000 signes) pour le 1er février 2023.
Les articles peuvent être rédigés en anglais ou en français.
Références bibliographiques
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Responsable de la coordination du numéro : Monsieur le Professeur Jordi Riba (jriba122@gmail.com)
Un cycle « populiste de gauche » dans l’Europe post-2008 (Populisme, 2021, n°2)
Les années post-crise de 2008 ont vu émerger un phénomène nouveau en Europe, en particulier sur sa rive méditerranéenne : le populisme de gauche. Celui-ci s’inscrit néanmoins dans une histoire plus longue et une géographie plus vaste, dont le contenu et les limites font l’objet de débats. Par ailleurs, ces expériences politiques sont la plupart du temps explicitement liées à une tradition théorique particulière, impulsée par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui analyse la formation des identités collectives dans une perspective post-marxiste. Le populisme de gauche et le corpus théorique qui l’accompagne, ont fait l’objet de critiques provenant principalement d’auteurs libéraux et de certaines sensibilités de la gauche (marxistes et libertaires). Au-delà de la question de leur pertinence, le geste critique dont elles procèdent est indispensable à l’heure où le cycle électoral ouvert par la Grande récession de 2008 semble se refermer, invitant à soumettre les partis-mouvements populistes de gauche à un bilan critique et provisoire. Il faut cependant éviter les deux écueils symétriques qu’on retrouve parfois parmi la foisonnante littérature consacrée au populisme de gauche : d’une part, les approches qui assimilent le populisme à une « menace » ou une « pathologie » ; d’autre part, les approches qui voient dans le populisme de gauche la « solution miracle » aux défis et impasses stratégiques auxquels se heurte actuellement la gauche. Le bilan de ces expériences politiques est en effet contrasté. Après des débuts prometteurs et une irruption spectaculaire dans leur jeu politique national, ces mouvements ont connu des trajectoires assez semblables : défaites ou stagnation électorales, dissensions internes allant parfois jusqu’à la scission, transformation du discours, mise en œuvre difficile de leur projet de transformation sociale une fois au pouvoir. La gauche populiste européenne des années 2010 se heurte à des contraintes externes et contradictions internes. Afin d’étudier ce cycle populiste de gauche tout en évitant les mauvais réflexes de la littérature sur le populisme (eurocentrisme, regard ahistorique, approche « thérapeutique », etc.), trois approches complémentaires méritent d’être mobilisées : la généalogie historique, la réflexion théorique et l’étude empirique. Ce 2ème volume de la revue Populisme se propose de dresser un état des lieux, aussi complet que possible, des connaissances, des débats et des perspectives de recherche portant sur le populisme de gauche tel qu’il s’est déployé dans l’Europe post-2008. Il est ouvert à toutes les disciplines (sociologie, science politique, histoire, philosophie, anthropologie) ainsi qu’à des approches comparatives incluant des cas extra-européens, contemporains ou historiques, du populisme de gauche.
Sans prétention à l’exhaustivité, trois axes de recherches seront privilégiés :
- Force et faiblesses du populisme de gauche
Ce dossier fera place à l’étude de l’électorat, de la composition militante, du répertoire d’actions, du mode d’organisation, du rapport aux mouvements sociaux, de la stratégie d’alliances, du discours, de la pratique du pouvoir et des politiques publiques des forces populistes de gauche ; étant entendu que ces différents éléments peuvent varier dans le temps et dans l’espace, d’un mouvement populiste à un autre, variations elles-mêmes au cœur de l’enquête sociologique. Les partis populistes de gauche réalisent souvent des percées électorales fulgurantes mais ils peinent à s’inscrire dans la durée et à maintenir leur étiage. Comment rendre compte de cette faible endurance ? Elle semble tenir en partie au profil de l’électorat populiste, à la fois volatil et infidèle, facilement tenté par l’abstention ou la migration vers un parti rival. Une seconde explication a trait à la structuration des mouvements populistes de gauche. Leur agilité tactique semble aller de pair avec une grande fragilité stratégique, l’une et l’autre résultant des mêmes facteurs : une organisation collective qui dépend fortement du leader, telle une pyramide qui repose sur le sommet ; une virtuosité dans la communication et le maniement des réseaux sociaux qui peut se retourner contre eux à la moindre erreur ; une structure souple, légère et informelle qui favorise la réactivité mais à laquelle fait défaut l’implantation locale, l’ancrage social, le maillage territorial, une culture commune, une discipline collective, des espaces de débat, de pluralisme et de démocratie interne.
- Evolution et institutionnalisation : un destin inévitable ?
L’observation sur la durée invite aussi à se demander si, au fil du temps, les mouvements populistes n’ont pas tendance à devenir des « partis comme les autres » ? Ils revendiquent au départ une forme-mouvement en rupture avec la forme-parti, jugée obsolète, mais cette ambition initiale semble s’amenuiser voire disparaître lorsqu’arrive l’épreuve du pouvoir (conquête d’une mairie, entrée au parlement ou au gouvernement). De plus, alors que Podemos et la France insoumise souhaitaient initialement remplacer les socialistes et les communistes afin d’imposer leur domination à gauche, ils ont progressivement adopté une attitude plus ouverte et modeste, se traduisant par des alliances avec d’autres forces de gauche. Un tel revirement stratégique est-il le signe d’une trajectoire de moins en moins « populiste » et de plus en plus « de gauche » ? Outre la question des alliances, comment évolue la place du leader, le fonctionnement interne, le rôle du groupe parlementaire, l’organisation territoriale, les liens avec les mouvements sociaux et la société civile organisée ? Différentes notions ont été avancées pour analyser la spécificité organisationnelle du populisme de gauche : « parti plateforme » met l’accent sur la dimension participative, « parti digital » met en avant le rapport au numérique et aux réseaux sociaux (Gerbaudo, 2018), « parti-mouvement » attire l’attention sur le rapport entre la rue et les urnes (Della Porta et al, 2017), « entreprise partisane » place au cœur de l’analyse les capitaux investis et conquis par les membres de ces mouvements, « parti décartélisé » insiste sur l’ancrage dans la société civile et sur le mode de financement citoyen, « parti personnel » souligne la centralité du leader-fondateur, etc. Chacune de ces notions présente des avantages mais aussi des limites qu’il convient d’analyser.
- Expliquer l’avènement, les succès et les échecs du populisme de gauche
Enfin, de nombreuses recherches comparatives en science politique interrogent les conditions d’émergence des forces populistes de gauche en Europe (Damiani, 2020 ; Charalambous et Ioannou, 2019 ; Katsambekis et Kioupkiolis, 2019), mais aussi en Amérique latine (Anria, 2013 ; Van Cott, 2005). Il semblerait que l’émergence de telles forces soit souvent précédée d’une crise économique et politique d’ampleur, qui « ouvre » le jeu politique, permet l’ascension de nouveaux acteurs, pour peu qu’ils sachent capter et capitaliser sur les aspirations populaires, ce qui semble être l’une des forces du populisme de gauche. Le degré de conflictualité sociale et l’incapacité des partis de gouvernement à apporter des réponses aux revendications des mobilisations (démocratiques, altermondialistes, écologiques, féministes, antiracistes, etc.) semblent également constituer un terreau favorable pour le populisme de gauche. La réflexion sur les facteurs d’émergence peut être transposée aux déterminants de la réussite (ou de l’échec) de ces mouvements : quels facteurs (endogènes et exogènes) favorisent le succès des populistes de gauche, et à quoi se mesure ce succès ? Pourquoi, par exemple, Bernie Sanders et Jeremy Corbyn ont échoué à accéder au gouvernement là où Syriza et Podemos ont réussi : est-ce dû aux règles du jeu électoral, au contexte économique, à l’état du système partisan, à la stratégie déployée par chacune de ces forces ? Conformément à l’héritage gramscien des théoriciens du populisme de gauche, le succès ne devrait-il pas être défini de façon plus exigeante comme la capacité à construire une nouvelle hégémonie politique dans le long terme, et celle-ci est-elle compatible avec l’électoralisme explicitement affiché par certains de ces mouvements ?
Contributions
Les autrices et auteurs sont invités à envoyer une proposition de contribution (environ 6000 signes) aux responsables du numéro (manuelcerveramarzal@gmail.com et arturbor@gmail.com) avant le 15 avril 2021, en précisant leur affiliation universitaire. Les autrices et auteurs dont la proposition de contribution aura été retenue par le comité de rédaction seront invité.e.s à soumettre un article complet (entre 40 et 50 000 signes) pour le 15 juillet 2021.
Les articles peuvent être rédigés en anglais ou en français.
Bibliographie indicative : ANRIA, Santiago, « Social Movements, Party Organization, and Populism : Insights From the Bolivian MAS », in Latin American Politics and Society, vol. 55, n°3, 2013, pp. 19-46 ASLANIDIS, Paris, « Is populism an ideology ? A refutation and a new perspective », in Political Studies, vol. 64, n°1, 2016, pp. 88-104 ASLANIDIS, Paris, « Avoiding Bias in the Study of Populism ». Chinese Political Science Review, vol.2, n°3, 2017, pp. 266-287 BREAUGH, Martin, L’expérience plébéienne. Une histoire discontinue de la liberté politique, Paris, Payot, 2007 CERVERA-MARZAL, Manuel, « The “populist moment” : An expression that teaches us more about how we perceive our time than about this time itself », in European Journal of Social Theory, Online First, 2020, pp. 1-6 CHARALAMBOUS, Giorgos, IOANNOU, Gregoris (dir.), Left Radicalism and Populism in Europe, Londres, Routledge, 2019 CORTEN, Andre, et al. (dir.), L’interpellation plébéienne en Amérique latine, Montréal, Presses Universitaire du Québec, 2012 COSSARINI, Paolo, VALLESPIN, Fernando (dir.), Populism and Passions: Democratic Legitimacy After Austerity, New York, Routledge, 2019 D’ERAMO, Marco, « Populism and the New Oligarchy », New Left Review, n°82, July-August 2013, pp. 5-28. DELLA PORTA, Donatella et al., Movement Parties Against Austerity, Londres, Polity Press, 2017 DAMIANI, Marco, Populist Radical Left Parties in Western Europe: Equality and Sovereignty, Londres, Routledge, 2020 DIAMANTI, Ilvo, LAZAR, Marc, Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties, Paris, Gallimard, 2019 GERBAUDO, Paolo, The Digital Party, Londres, Pluto Press, 2018 GRATTAN, Laura, Populism’s Power : Radical Grassroots Democracy in America, Oxford, Oxford University Press, 2016. JÄGER, Anton, BORRIELLO, Arthur, « Left-Populism on Trial : Laclauian Politics in Theory and Practice », Theory and Event, vol.23, n°3, July 2020, pp.740-764 HOUWEN, Tim, « The Non-European Roots of the Concept of Populism », SEI Working Paper n°120, 2011, pp.1-52 KATSAMBEKIS, Giorgos, KIOUPKIOLIS, Alexandros (dir.), The Populist Radical Left in Europe, Londres, Routledge, 2019 LACLAU, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, 2008 MAIGUASHCA, Bice, DEAN, Jonathan, « Corbyn’s Labour and the Populism Question », in Renewal: a journal of social democracy, n°25, 2017, pp 56-65. MAIR, Peter, Ruling the Void. The Hollowing of Western Democracy, Londres, Verso, 2013 MOUFFE, Chantal, Pour un populisme de gauche, Paris, Albin Michel, 2018 MUDDE, Cas, ROVIRA KALTWASSER, Cristobal, Populism. A Very Short Introduction, New York, Oxford University Press, 2017 MÜLLER, Jan-Werner, Qu’est-ce que le populisme ?, Paris, Gallimard, 2017 NEZ, Héloïse, Podemos, de l’indignation aux élections, Paris, Les Petits Matins, 2015 ROSANVALLON, Pierre, Le siècle du populisme. Histoire, théorie, critique, Paris, Seuil, 2020. STAVRAKAKIS, Yannis, et al., « Extreme right-wing populism in Europe : revisiting a reified association », Critical Discourse Studies, vol.14, n°4, 2017, pp. 420-439. STAVRAKAKIS, Yannis, JÄGER, Anton, « Accomplishments and Limitations of the ‘New’ Mainstream in Contemporary Populism Studies », European Journal of Social Theory, vol. 21, n°4, 2018, pp. 547–565 TARRAGONI, Federico, L’esprit démocratique du populisme. Une nouvelle analyse sociologique, Paris, La Découverte, 2019 VAN COTT, Donna Lee, From Movements to Parties in Latin America, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 VERGARA GONZALEZ, Camila, « Populism as Plebeian Politics: Inequality, Domination, and Popular Empowerment », Journal of Political Philosophy, vol. 28, n°2, 2020, pp. 222-246 ZINN, Howard, L’impossible neutralité. Autobiographie d’un historien et militant, Marseille, Agone, 2013
Archive des appels à contributions
Un cycle « populiste de gauche » dans l’Europe post-2008 (Populisme, 2021, n°2)
Les années post-crise de 2008 ont vu émerger un phénomène...
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